Vêtu d’une soutane, foulard au cou, chaussettes blanches, Sham investit l’espace de Jazzy’z, à la rue Louverture, Pétion-ville. L’espace s’apprête à l’exposition. Le public est surpris. Encensoir en main, accompagné de deux jeunes femmes, il parfume la pièce de nuages d’encens. Le trio prend place à l’intérieur d’une corde au beau milieu de la salle où se dresse un récipient contenant de l’eau et des fruits. Le peintre chante. Il invoque. Il bénit. Une performance étrange pour un vernissage! Mais c’est Sham, le peintre qui se réclame d’un certain art empreint de mysticisme.
« Il y a un rituel avant chacune de mes collections. J’ai passé sept jours de purification. Je peux vous avouer que je peins nu. Là où je peins personne n’est autorisée à y enter », dit l’artiste s’adressant au petit public présent, ce samedi, au vernissage de son exposition autour du thème « Le bon Dieu est une femme ».
Sham, originaire des cayes, dans le Sud d’Haïti, vient de loin. Il a évolué dans plusieurs pays, notamment dans les régions ibériques. Il voyage d’un continent à l’autre pour faire connaitre sa peinture. De l’Europe à l’Afrique en passant par l’Amérique, il expose ses toiles. Il dit vouloir voyager au bout du monde pour délivrer son message. Un message d’amour. Parler de son thème favori : La femme. L’artiste voudrait célébrer la femme dans toute la splendeur de sa beauté et de sa divinité. Personne ne pourra convaincre Sham que le bon Dieu n’est une femme. Il est dans la droite ligne du discours de Jean-Jean Roosevelt, le chanteur haïtien qui veut donner le monde aux femmes.
« Le bon Dieu est une femme parce que c’est celle-ci qui donne la vie. Sans la femme, on ne serait pas sur terre. Le monde renait avec la femme. Elle porte l’enfant dans son sein et le nourrit pendant neuf mois. Tout ce que touche la femme, c’est la vie. Seule la femme peut nous permettre de rencontrer le grand être suprême : Dieu », clame haut et fort le peintre.
Sham vit de sa peinture comme il respire. Il la cultive comme un don précieux. Il fait corps avec et le porte partout avec lui. Ses toiles dédiées à la femme ont une place de choix dans son cœur. Il voue un culte à ses pièces. D’ailleurs, il les effleure de ses lèvres mouillées tous les matins en se réveillant, a-t-il confié. Est-il permis à tout le monde d’embrasser ses toiles ? Il faut avoir une forte estime de soi et penser que ce qu’on accomplit dans sa vie a de la valeur à ses yeux pour que se développe cette émotion qui grandit à partir des expériences valorisantes vécues par l’artiste.
Cette exposition, la deuxième de l’artiste en Haïti, se poursuit jusqu’à 21 juin. C’est une occasion d’aller voir, à Jazzy’z, les dix pièces de dimensions variées que propose l’artiste. Tout un ensemble de formes et de couleurs s’accordent dans cet espace. Un univers abstrait qui configure la femme en de multiples dimensions : fœtus, formes embryonnaires, création d’un imaginaire débridé du peintre, manière technique de rendre ses sensations visuelles.
Allons voir les peintures de Sham pour avoir une idée de sa vénération pour l’avenir de l’homme : la femme, pour reprendre Aragon.
Elien Pierre