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En autorisant, par lettre adressée au directeur central de la police judiciaire, le transfert aux Etats-Unis d’Amérique des sept (7) mercenaires arrêtés par une patrouille de la Police nationale d’Haïti, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique a confirmé que le dossier revêt un caractère d’Etat. Sans informer le Premier ministre qui fait office de président du Conseil supérieur de la Police nationale, Jean Roudy Aly a coupé court à toutes les conjectures sur ce dossier qui a mis de l’eau au moulin de l’opposition. N’importe quel cinéphile qui a suivi de près l’évolution de cette tragi-comédie de dimanche à mercredi peut se permettre de la comparer à un tournage hollywoodien.
Deux communiqués émanant respectivement de la présidence et de la Primature informent mercredi qu’elles ignoraient le transfert des sept mercenaires aux Etats-Unis d’Amérique. Comment le ministre de la Justice pourrait assumer à lui seul cette lourde responsabilité sur un dossier aussi sensible que litigieux ? Etant donné que le ministre de la Justice est réputé proche du président, et qu’il était en poste avant l’entrée en fonction du Premier ministre Jean-Henry Céant, tout porte à croire que la présidence a joué un rôle dans le transfert des sept mercenaires aux Etats-Unis. Il faut signaler qu’Haïti n’avait entretenu aucune coopération avec les Etats-Unis en matière de justice, mis à part le narcotrafic.
Garant du bon fonctionnement du pouvoir judiciaire, le ministre de la Justice, au regard de la loi, ne devait en aucun cas interférer dans un dossier qui devait être acheminé au parquet pour les suites de droit. En agissant ainsi, il a ridiculisé son Premier ministre qui s’était empressé d’accuser les mercenaires de vouloir l’assassiner en cherchant à pénétrer l’enceinte de la Banque de la République d’Haïti. Comment le Premier ministre va-t-il accepter de s’asseoir en Conseil des ministres et en Conseil de gouvernement avec l’un des membres de l’équipe qui vient de le déshonorer ?
Pour une première intervention du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dans un dossier sensible, mais qui se rapporte à la justice, sous la présidence du juge René Sylvestre, l’institution a semble-t-il coupé le pont avec le passé. Le CSPJ qualifie d’illégal et d’arbitraire le transfert des sept mercenaires arrêtés en flagrant délit de détention illégale d’armes à feu. Les conseillers ne font pas dans la dentelle en réclamant des explications de la part du ministre Jean Roudy Aly. Depuis l’entrée en fonction du CSPJ en 2012, c’est la première fois qu’un ministre de la Justice est cloué au pilori par les conseillers du pouvoir judiciaire dans le cadre d’un dossier de justice. Accusé par certains secteurs d’être un proche du parti au pouvoir, le président du CSPJ a été vilipendé sur les réseaux sociaux avant d’entrer en fonction comme président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Cette lettre musclée adressée au ministre de la Justice sur le transfert des sept mercenaires montre que le CSPJ est de nature à se positionner comme l’instance suprême du pouvoir judiciaire.
Lemoine Bonneau
lbonneau@lenouvelliste.com